« Comme une source, la table du Seigneur est placée au milieu de l’église, afin que, de toutes parts, la foule des fidèles afflue à la source pour s’abreuver à ses flots qui sauvent » Saint Jean Chrysostome
Bien avant son utilisation dans le culte chrétien, de tout temps et dans toutes les religions, les hommes ont édifié des autels aux forces invisibles. L’autel, du latin altus, est « élevé » en une sorte de piédestal ou de table de pierre destiné à recevoir les offrandes : il est au centre du culte sacrificiel.
Les autels dans les premières religions
Dans le bassin méditerranéen où s’implantera le christianisme, on pouvait apercevoir de nombreux sanctuaires païens abritant des représentations de dieux et des autels de toutes tailles et de toutes hauteurs… A Syracuse, un autel gigantesque est encore visible aujourd’hui : il mesure 199 mètres de long sur 23 mètres de large. Les historiens rapportent que l’on sacrifiait en même temps 450 bœufs égorgés tandis que leur sang devait se répandre sur la pierre ! Cet édifice date du 2e ou 3e siècle avant Jésus Christ.
Les autels dans l’Ancienne Alliance
Tout au long de l’Ancienne Alliance, la Bible mentionne des pratiques cultuelles liées à des autels jalonnant ainsi la route qui conduit au Christ : ceux qu’érigèrent Abraham après l’apparition du Seigneur et sa promesse, au chêne de Moré ; Moïse, dans l’acte fondateur au Sinaï ; Josué, au mont Ebal ; Salomon et tout Israël au jour de la Dédicace de la Maison du Seigneur ; Zorobabel, à l’occasion du rétablissement du culte ; Judas Macchabée, lors de la construction d’un nouvel autel à Jérusalem…
La transition vers l’autel chrétien
Dans ce contexte, les premiers chrétiens ont d’abord voulu se démarquer du culte juif et du culte païen : ils n’ont pas d’autel et vont aller jusqu’à écarter longtemps de leur vocabulaire l’emploi de ce mot. Par cette attitude, ils voulaient signifier la nouveauté absolue de leur foi. Telle était leur proclamation : « Nous ne possédons ni temples, ni prêtres, ni autels ! ». Pour eux, il n’y a qu’un temple qui est le Corps du Christ (Jn 2, 21), qu’un seul grand prêtre, le Christ (He 5,5), qu’un unique autel, le Christ (He 13, 10). Tout est « récapitulé » dans la personne du Christ, « par Lui, avec Lui et en Lui ».
La nature de l’autel chrétien
Dès lors, les chrétiens des premières générations parleront de « la table du Seigneur » (1 Co, 10, 21). Telle est bien la nature de l’autel chrétien où les fidèles viendront refaire leur force. Il est, en premier lieu, la table du repas du Seigneur, la table du Cénacle et d’Emmaüs. C’est là qu’on dépose le pain et le vin qui deviendront, dans le sacrifice de la Nouvelle Alliance, le Corps et le Sang du Christ. C’est à cette table qu’accèdent ceux qui veulent recevoir le Pain de la Vie et la Coupe du Salut. C’est autour de cette table que se noue l’unité de l’Eglise : « Une seule Eucharistie, un seul autel, un seul évêque !» affirmera saint Ignace d’Antioche.
Le mystère de l’autel dans la prière de la Dédicace
La splendide prière de la Dédicace d’un autel développe le mystère de l’autel qui trouve son accomplissement dans le Christ : il est à la fois le prêtre, l’autel et la victime.
- le prêtre qui offre le sacrifice à son Père,
- l’autel de pierre, lieu du sacrifice, semblable au rocher frappé par Moïse, « car de son côté transpercé il laissa couler l’eau et le sang, source des sacrements de l’Eglise ». (Saint Cyrille d’Alexandrie)
- et la victime, l’agneau immolé dont le corps repose sur l’autel (saint Ambroise). En régime chrétien, ce lieu unique est donc inséparablement « autel et table » comme le mentionne les Préliminaires du Missel Romain : « L’autel, où le sacrifice de la Croix est rendu présent sous les signes sacramentels, est aussi la table du Seigneur à laquelle, dans la messe, le Peuple de Dieu est invité à participer ; il est aussi le centre de l’action de grâce qui s’accomplit pleinement par l’Eucharistie ». (n° 259)